Passez-nous l’expression mais les Français qui avaient des comptes non déclarés dans les livres de la HSBC-Private Bank de Genève ont connu… des fortunes diverses. En observant le traitement opéré depuis novembre 2009 au fur et à mesure du décryptage des listings issus de la banque suisse, on s’aperçoit que les autorités françaises ont nettement privilégié la voie fiscale à la voie judiciaire. Résultat, depuis le début de l’affaire, 2.300 dossiers de contribuables surpris sur les listes HSBC-PB ont fait l’objet de contrôles. Et 300 millions d’euros ont été recouvrés grâce à cette seule source. Il s’agit là des données les plus récentes, communiquées au ministère des Finances par le cabinet de Michel Sapin. Et cela n’est pas terminé. Le sort des dossiers contrôlés est cependant intéressant à connaître dans le détail. Une note de synthèse de la Direction nationale de vérification des situations fiscales (DNVSF) datée du premier août dernier et que « l’Obs » a pu consulter éclaire nettement les options choisies. 875 dossiers avaient à cette date étaient contrôlés pour un montant de 2.567.687.903 dollars (2,2 milliards d’euros) d’avoirs. Il apparaît que trois scénarii étaient possibles. Sur ces 875 dossiers contrôlés, 569 (65%) ont fait l’objet de régularisation, c’est-à-dire que les contribuables, intimidés ou parfois en se faisant tirer l’oreille, ont payé les pénalités et fait rapatrier les fonds en France. Cette voie a par exemple été choisie par l’acteur Gad Elmaleh dont il faut noter que les 80.000 euros d’encours faisaient de lui un « petit » compte, au montant deux fois inférieur à la moyenne des avoirs détenus par chaque client français à HSBC-PB. 258 dossiers (29%) ont été traités en dossiers de dénégations, c’est-à-dire qu’une taxation d’office pouvant aller jusqu’à 60% a été appliquée, le tout dans une ambiance nettement moins cordiale que dans le précédent cas. Les contribuables concernés ont également dû payer les pénalités et dû faire rapatrier les fonds en France. Enfin, 48 dossiers (5%) ont été transmis aux services d’enquêtes judiciaires chargés de la fraude fiscale. Il s’agit notamment du cas d’Arlette Ricci et des affaires qui seront examinées par la 32eme chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris. Il faut noter que la voie judiciaire n’a été choisie que pour les dossiers dans lesquels la volonté de dissimulation était manifeste. Par ailleurs, il faut rappeler que les dossiers de fraude fiscale envoyés au tribunal ont suivi un chemin particulier. Comme le prévoit une particularité parfois décriée du droit français, ces cas passent en effet devant la commission des infractions fiscales (CIF), organisme dépendant du ministère des finances et surnommé « le verrou de Bercy ». Cette commission donne son feu vert à d’éventuelles poursuites pénales. Seul le ministère du Budget peut donc être à l’origine d’une plainte. Le président de la CIF, devant une commission parlementaire, avait récemment indiqué qu’il n’y a pas lieu de poursuivre pénalement l’ensemble des faits de fraude fiscale et que si un redressement fiscal était pénible, une traduction devant la justice pénale était bien plus infamante et qu’il convenait donc de la réserver aux faits les plus répréhensibles… Par ailleurs, rappelons qu’en novembre dernier, les juges Daieff et Bilger ont mis en examen HSBC-PB pour démarchage bancaire illicite et blanchiment de fraude fiscale. Selon « Le Monde », 8.936 Français « couvés par au moins 24 gestionnaires de comptes » ont désormais été identifiés dans les listings HSBC-PB. La proportion des cas traités par l’administration fiscale (95%) et par la voie judiciaire (5%) devait sensiblement rester la même dans les mois qui viennent. Il faut d’ailleurs souligner que les contribuables renvoyés devant le tribunal font également l’objet de redressements fiscaux. Les comptes dissimulés dans ces cas-là leur coûtent très cher.