Et si on revenait sur Nemtsov ?
Créé par cmonaktu le 08 avr 2015 à 15 h 51 min | Dans : politique
L’assassinat de Boris Nemtsov, le 27 février, à Moscou, a déclenché une nouvelle frénésie accusatrice en Occident, comme si la responsabilité de Vladimir Poutine ne faisait d’emblée aucun doute. Certains commentateurs ont même assuré que, si Poutine n’en était pas le commanditaire direct, il en était le responsable, par « l’hystérie patriotique entretenue par le pouvoir », par ses idées. Bien sûr… La méthode rappelle étrangement les sinistres “procès de Moscou” de la période communiste. Dans le contexte actuel, cet assassinat est contraire aux intérêts du Kremlin, voire totalement idiot. Poutine avait en effet choisi de se rapprocher de l’Europe, pour ne pas aggraver les sanctions occidentales. Le cessez-le-feu dans l’est de l’Ukraine commençait à s’imposer, imparfait mais réel. L’assassinat de Nemtsov ne peut qu’affaiblir cette stratégie. La cible en valait-elle la peine ? Pas vraiment. Nemtsov n’avait pas une stature qui justifiait son élimination. Le pouvoir l’avait déjà marginalisé, comme tant d’autres opposants. Courageux mais isolé dans une opposition minoritaire et très divisée, ce tribun séduisant attirait plus les médias occidentaux que ses compatriotes. Pour beaucoup de Russes, ses fonctions officielles dans les années 1990 le reliaient aussi aux pires années de la Russie postsoviétique : l’effondrement général du pays. C’est précisément pour restaurer sa puissance que les Russes n’ont cessé d’élire Poutine depuis 2000. Ils lui savent gré d’avoir sorti la Russie de ce marasme. Ils supportent ses mé thodes autoritaires parce qu’ils savent à quoi ils ont échappé. Ils se reconnaissent dans son patriotisme rugueux et approuvent la récupération de la Crimée (condamnée par Nemtsov, applaudie par une partie de l’opposition). Aidée évidemment par la propagande officielle, sa cote de popularité s’est stabilisée au-dessus de 80 % d’opinions favorables. Nemtsov et ses amis condamnaient le “régime Poutine” sans avoir rallié la majorité du peuple. La “grande manifestation” du 1er mars a donné la mesure de leur audience. Ramenés à l’échelle de Paris (2,2 millions d’habitants), les 50 000 à 70 000 manifestants de Moscou (12,2 millions d’habitants) auraient représenté de 9 000 à 12 000 personnes. Le raz-de-marée anti-Poutine annoncé n’a pas eu lieu. Rares sont les correspondants qui l’ont honnêtement reconnu.
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