Appeler un chat un chat reviendrait ainsi à “mal nommer les choses”. C’est pourtant reconnaître son lent travail d’assimilation à la France. En désignant des Français dont les parents et peut-être même les grands-parents sont eux aussi français comme des “Français de souche”, François Hollande aurait commis une faute grave. L’accusation ne vient pas de l’opposition mais bien de son propre camp et même de l’un de ses anciens ministres. Mlle Aurélie Filippetti n’a pas aimé l’expression, a souhaité le faire savoir et invoqué pour cela les mânes d’Albert Camus. Cette réaction surprend de la part d’une femme de lettres qui n’a jamais hésité à appeler un chat un chat dans ses livres. Expression qu’il conviendrait d’ailleurs de mettre au féminin à la lecture de son oeuvre car l’ancien ministre de la Culture a, semble-t-il, la plume caressante quand il s’agit de décrire les frissons de l’adultère, mais l’oreille chatouilleuse lorsqu’il est question de faire la distinction entre les Français de toujours, ceux que les petits “beurs” appellent, non sans humour, les “Gaulois”, et les Français “issus de l’immigration”. Cette distinction, qui se contente pourtant de dire une réalité démographique et historique, friserait même l’apartheid… Ce qui inquiète dans cette guerre qui est faite en permanence aux mots dans notre pays, c’est le refus de dire la réalité au prétexte qu’elle serait contraire à l’idée que l’on s’en fait, autrement dit à l’idéologie que l’on souhaiterait imposer. Personne ne conteste sérieusement qu’un Français qui vient d’obtenir la nationalité a exactement les mêmes droits qu’un Français dont les ancêtres sont tombés à Gergovie. Sa voix pèse du même poids dans l’urne et il peut à ce titre, qui est par ailleurs le plus précieux, participer directement à la vie de la nation. En revanche, pourquoi vouloir nier que coexistent depuis toujours dans notre pays des “Français de souche” et des Français fraîchement naturalisés, lesquels sont d’ailleurs appelés à devenir à leur tour, et en quelques générations, des “Français de souche” ? Pour les uns la France est une vieille histoire de famille et leurs aïeux ont, dans leur immense majorité, labouré inlassablement cette terre sur laquelle ils sont nés. Pour les autres la France est une histoire personnelle et récente. Rien ne les oppose mais rien ne devrait interdire de les désigner pour ce qu’ils sont. C’est au contraire en niant l’identité des uns et des autres et donc la réalité historique au profit d’une pure construction idéologique que, non content de préparer les conflits de demain, on refuse de reconnaître à la France son lent travail d’assimilation.